
Fettisdagen en quelques mots
Fettisdagen (mardi gras) est une tradition chrétienne qui marque les dernier jours avant le Carême, une période de 40 jours de jeûne et de pénitence avant Pâques. Chez les catholiques, comme chez les protestants, pour mieux appréhender la longue période d’austérité, on se gave d’aliments gras et sucrés. Au lieu de crêpes et de beignets, les suédois consomment ce jour-là des semlas : des pâtisseries sucrées remplies de crème fouettée et de crème d'amande, souvent servies dans un petit pain brioché aromatisé à la cardamome.
Le Fettisdagen était autrefois le point culminant d'une fête de trois jours pendant laquelle on se gavait avant un jeûne de 40 jours : le dimanche précédant le Fettisdagen, appelé le dimanche de la chandeleur (fastlagssöndagen), ainsi que le lundi, surnommé le lundi bleu. (blåmåndagen) et le mardi, appelé le mardi gras ou Fettisdagen, qui était le véritable grand jour de festin où l'on se préparait en accumulant des aliments gras.
Le mercredi suivant, appelé mercredi des Cendres (askondagen en suédois), dont le nom provient du fait que l'on se répandait de la cendre sur la tête pour signifier que l'on regrettait les péchés commis inaugurait ensuite la période du carême qui se concluait avec la fête de Pâques (résurection du Christ).
Le semla dans tous ses états : du simple petit pain à la brioche gourmande fourrée
Il semble cependant que le semla soit arrivé en Suède sans lien direct avec le christianisme et, qu’à l'origine, il s’agissait d’un simple petit pain de blé lisse et non épicé, sans crème d'amandes ni crème fouettée. La première fois où on mentionne le semla dans un contexte chrétien est la Bible de Gustave Vasa, en 1541.
Au 16ème siècle, les semlor (semla au pluriel en suédois) étaient alors consommés uniquement les mardis pendant le Carême. Le Mardi Gras, ou Mardi de la semla, se déroule sept semaines avant Pâques, et les semlor étaient alors mangées en grande quantité ce jour-là, avant le début du jeûne. Lorsque le jeûne a disparu, on a continué à manger des semlor, mais désormais chaque mardi jusqu'à Pâques.
La raison pour laquelle on a commencé à remplir les semlor au 16e siècle serait que pendant le Carême, on n'était autorisé à ne manger que du pain, et le pain était alors rempli de délicieuse crème fouettée et de beurre énergisant chaque mardi.
Au 18ème siècle selon la tradition, le semla était parfois trempé dans du lait chaud – un mélange surnommé "semla i mjölk" (littéralement, "semla dans du lait) ou "hetvägg" (terme dérivé de l'allemand Heisse Wacken), het signifiant chaud et vägg (de l’allemand wegge) évoquant la forme du petit pain (triangles ou croix), afin de pouvoir être disposés en cercle au fond d'une casserole. Juste avant de cuire les semlor dans le lait chaud, on les garnissait aussi de crème et de beurre.
A partir des années 1850, la cuisson des semlor dans du lait chaud fut remplacée par la méthode où elles étaient servies avec du lait chaud à la place.
C’est aussi à cette époque qu’on commença à les remplir de manière plus gourmande encore : avec de la crème d’amandes et à les aromatiser avec de la cannelle et du sucre. Les épices se sont alors aussi beaucoup démocratisés et la cardamome, grâce à son arôme frais et légèrement citronné, est devenue un ingrédient traditionnel de la pâte à semla.
Aujourd'hui, la cardamome est considérée comme un ingrédient clé du semla, et sa présence dans la pâte contribue à donner à cette pâtisserie suédoise une saveur distincte, qui la différencie des autres pâtisseries similaires dans le monde entier. Cela fait partie des traditions suédoises qui ont évolué au fil du temps, tout en restant fidèles à leurs racines.
Le semla responsable de la mort du roi Frédéric Adolf ?
Le 12 février 1771, jour de mardi gras, le roi suédois Adolf Fredrik mourait d’un indigestion après avoir ingurgité 14 semlas, dit la légende… Adolf Fredrik était certes un grand amateur de chasse et de nourriture, mais la veille de ce repas fatidique, le roi et la reine se trouvaient à un bal au château d'Ulriksdal. On dit que le roi s’empressa de rentrer au château car son chef cuisinier français lui avait promis de servir des "hetvägg", c'est-à-dire des semlor de l'époque, avec de la cannelle et du lait chaud. Le lendemain du bal, la reine était encore ivre, alors le roi Adolf Fredrik dîna seul. Il commença par des huîtres, suivies de choucroute, de viande avec des navets, du homard, du caviar, du hareng fumé et beaucoup de champagne. Lorsqu'il fut vraiment rassasié, il se jeta sur son plat préféré, les semlor. On raconte qu'il en mangea 14. Immédiatement après ce copieux repas, le roi poussa un cri et ses serviteurs l'emportèrent dans un lit où il rendit son dernier souffle.
La cause de sa mort est probablement un AVC et il est tout à fait possible que ce repas lourd ait contribué à cela, mais il n'existe aucune preuve que ce soient spécifiquement les semlor qui aient causé la mort du roi. De plus, au 18e siècle, les semlor n'étaient pas aussi consistants qu'aujourd'hui - ils ne contenaient ni crème fouettée ni pâte d'amande.
Une date qui varie et des semlas toujours plus extravagants
La date de Fettisdagen varie chaque année, en fonction calendrier liturgique, il tombe toujours un mardi, souvent entre février et mars. Cette année 2025, par exemple, Fettisdagen tombe le 4 mars.
Bien que la version classique du semla fourée de crème d’amandes et de crème fouettée soit la plus répandue, il existe aujourd'hui de nombreuses variantes : avec des noix ou des pistaches, aromatisés et colorés. Certaines personnes optent pour des semlor fourrés de mousse au chocolat ou au caramel, d’autres choisissent des versions sans gluten ou végétaliennes. Et on effectue aussi des croisements entre plusieurs gâteaux : la prinsesstårta et le semla, le croissant et le semla, la boulle de chocolat et le semla…
Les Suédois sont toujours créatifs lorsqu'il s'agit de personnaliser cette tradition, et certains restaurants se lancent dans des défis où le semla devient encore plus extravagant, avec des garnitures inhabituelles ou une taille XXL.
Le semla et la culture Suédoise
Le semla est donc bien plus qu'une simple pâtisserie ; il fait partie intégrante de la culture suédoise. Chaque année, la « saison des semlor » suscite une sorte de "fièvre" culinaire où chaque famille ou établissement tente de créer la meilleure version du semla. C'est une tradition qui rapproche les gens et permet d'honorer l'héritage suédois tout en profitant des plaisirs simples de la vie. Les médias suédois sont également friands de couvrir les dernières tendances en matière de semlor.
Par exemple, des compétitions sont organisées pour élire le meilleur semla de l'année. Cette tradition de dégustation et de partage est un moyen pour les Suédois de se reconnecter avec leurs racines tout en célébrant la convivialité et la gourmandise.
Dans cet article, nous vous proposons notre top 5 des boulangeries/pâtisseries pour manger un bon semla. Les prix varient de 45 à 70 sek selon les endroits.
1. Pour un semla classique
Si vous voulez découvrir le semla classique avec la brioche à la cardamome, la crème d’amandes et la crème fouettée, le tout bien frais du jour, nous vous conseillons de visiter deux adresses historiques de Stockholm : la Pâtisserie Vetekatten situé à Norrmalm ou la boulangerie Tosse situé à Östermalm. Vous ne serez pas déçus car les deux établissements, bien que suivant la recette classique, apportent leurs propres nuances à ce dessert traditionnel, chacune avec une interprétation légèrement différente qui fait tout le charme du semla à Stockholm.
Le semla de Vetekatten se distingue par une brioche plus dense et généreusement garnie, avec une crème d'amande plus épaisse et une crème fouettée légère (parfois parfumée à la vanille). En revanche, le semla de Tossebageriet se caractérise par une brioche plus légère et plus aérienne, avec une crème d'amande de qualité supérieure et une crème fouettée vraiment délicate. Tossebageriet est aussi très célèbre pour son semmelwrap, un semla présenté sous forme de rouleau, où la pâte est étalée, puis enroulée autour de la garniture. Il est garni de crème d'amandes et de crème fouettée légère, tout comme le semla traditionnel, mais le format "wrap" permet de le déguster de manière plus pratique, tout en conservant la richesse et la douceur de la version classique.
Ce twist contemporain offre une expérience gourmande un peu différente, tout en restant fidèle aux saveurs de la pâtisserie suédoise traditionnelle.
2. Pour un semla classique 100% bio mais plus crunchy
Skeppsbro Bageri est une boulangerie artisanale 100% biologique. Leurs pains sont réalisés au levain et cuits dans un four à bois. Les pains fermentent pendant au moins un jour au réfrigérateur avant d'être cuits, ce qui leur donne plus de saveur et les rend plus moelleux. Même s’ils sont plutôt orientés produits de boulangerie, c’est-à-dire pain et viennoiseries, ils produisent cependant aussi quelques pâtisseries iconiques comme les semlas qu’ils vendent en version classique, en version croissant, mais aussi dans une version plus crunchy où des amandes concassées sont ajoutées sur la crème d’amandes pour un goût d’amande encore plus prononcé.
La crème fouettée est vraiment délicieuse (légèrement vanillée) et contraste avec le côté plutôt sucré et compact du pain brioché et la gourmandise de la crème d’amande mais les amandes concassées tout autour du semla rendent l’expérience originale.
Un autre café/boulangerie situé à Lidingö et baptisé Vattenverket propose aussi des semlas crunchy avec le même savoir-faire au niveau de la boulangerie (liévitation naturelle) mais la petite différence qui fait aussi toute la différence réside dans la crème fouettée pus ferme et dans la préparation des amandes qui sont légèrement caramélisées apportant un croquant supplémentaire, brioche est aussi plus aérienne. Et puis le lieu tout simplement, un cadre enchanteur en pleine nature, permet de savourer son semla avec assurément un petit truc en plus.
3. Le semla, œuvre d’art
Après la boulangerie, passons aux artistes pâtissiers et à leur interprétation esthétique et gustative du semla. Deux pâtisseries à Stockholm se distinguent clairement par leurs pâtisseries très raffinées et de haute qualité…
Le français Fosch (Damien Foschiatti) situé à Östermalm et les suédois de Socker sucker (Frida Bäcke och Bedros Kabranian) situé à Norrmalm. Même si ces deux pâtissiers portent une attention toute particulière à l'esthétique et à la revisitation de la recette, leur manière de sublimer chaque recette pour en tirer tout le meilleur est vraiment le trait marquant commun. S’agissant du semla, leur point commun réside bien entendu dans la qualité de la brioche (les deux sont aussi boulangers) mais aussi dans la crème d'amandes, délicieusement croquante, composée d'amandes caramélisées broyées qui se marient parfaitement avec une brioche légère et une crème fouettée non aromatisée mais onctueuse à souhait. .
Celle de Socker sucker est beaucoup plus gourmande (en taille et en quantité) et quelques amandes caramélisées agrémentent même la crème fouettée mais la crème d’amande en elle-même est plus mixée et moins croquante que celle de Fosch. La crème dans le semla de Fosch est plus montée que fouettée et la crème d’amande est vraiment croquante contrastant avec le côté très moelleux de la brioche. Le prix diffère aussi sensiblement : celle de Fosch coûte 50 sek et celle de Socker sucker coûte 60 sek.
4. Eataly : l’interprétation à l’italienne
La pistache est à la mode cette année un peu partout en Europe mais pour les italiens, la pistache n'est pas juste une tendance, c’est plutôt un ingrédient essentiel et traditionnel, bien ancré dans leur culture culinaire et notamment au sud de l’Italie. Ce semla à la pistache est donc une tentative d’italianiser une recette suédoise : la crème est une panna montata (une crème montée italienne) grasse et moins ferme que la grädde (crème suédoise) mais la pistache est hélas plus décorative que vraiment gustative.
La brioche est également un peu de qualité industrielle et pas d’arôme de pistacle. La crème d’amande est renplacée par une crème à la pistache mais sans morceaux de pistaches, assez sucré, un semla qui faisait envie visuellement mais dont la qualité est plus que discutable.
5. Ritorno : une variation pertinente autour du semla
Enfin un autre établissement historique de Stockholm, baptisée Ritorno, situé à Vasastan et fondé en 1959 propose un semla très original à la réglisse. Réputé pour son atmosphère chaleureuse et son décor rétro des années 1950 (murs jaunes, chaises rouges et lustres en cristal), le café-pâtisserie propose cette recette audacieuse depuis quelques années maintenant et elle est très courue.
Dans cette version à la réglisse, la brioche est aromatisée à la réglisse et la crème d'amande est remplacée par une crème à la réglisse, offrant une saveur unique et légèrement anisée. La réglisse est un ingrédient très apprécié en Scandinavie, notamment en Suède, où elle est utilisée dans diverses confiseries et produits alimentaires. Ce semla à la réglisse combine la texture légère et moelleuse du semla avec une touche audacieuse et originale de réglisse, apportant une note sucrée et piquante qui plait aux amateurs de ce goût particulier. C'est une variation qui fait le bonheur des gourmands à la recherche de nouvelles expériences gustatives.