
Son nom évoque la capitale hongroise, mais c’est pourtant dans les vitrines des pâtisseries suédoises que cette pâtisserie trône fièrement : le Budapestbakelse est en effet l’un des desserts les plus populaires du pays et on le trouve dans de nombreux cafés/pâtisseries de la capitale.
Léger, roulé, garni de crème fouettée et de fruits (le plus souvent des mandarines ou des framboises), avec sa pâte croustillante à base d’amandes (et de noisettes) il est devenu un incontournable de la fika, ce rituel suédois de la pause-café sucrée.
Mais d’où vient-il vraiment ? Et pourquoi porte-t-il le nom d’une ville hongroise, alors qu’on le trouve rarement en dehors de la Suède ? Suivez-nous dans les coulisses de la création de cette pâtisserie-phare des suédois
Des origines 100 % suédoises
Contrairement à ce que son nom pourrait laisser penser, le Budapestbakelse n’est pas un gâteau traditionnel hongrois. Il a été inventé en Suède dans les années 1950 par un pâtissier du nom d’Ingvar Stridh, installé à Vetlanda, dans le sud du pays. Inspiré par les gâteaux roulés sucrés populaires en Europe centrale, il aurait choisi le nom "Budapest" pour lui donner une touche d’exotisme — une manière aussi de le démarquer dans la vitrine.
L’historien et écrivain suédois (également professeur à l’Université de Lund), Dick Harrison note que le gâteau Budapest présente "certaines similitudes" avec une pâtisserie hongroise appelée Esterházy-torte. Cependant, il précise qu’il est très incertain que Stridh se soit inspiré de ce gâteau en particulier. Nous vous laissons juge du visuel … Il est aussi possible que la recette originelle avec de la crème au beurre (plutôt que de la crème fouettée) soit plus proche du gâteau hongrois mais aujourd’hui la postérité a retenu la version crème fouettée largement popularisée dans les années 60.
Dans une vidéo publiée sur internet, Ingvar Stridh raconte qu’il a beaucoup voyagé en tant que conseiller, aussi bien en Suède qu’à l’étranger. Il a travaillé aux États-Unis, en Espagne, et dans de nombreux autres pays européens. Il a bien entendu pu être influencé mais il est difficile de l’assurer.
À propos de la genèse de la recette, il explique : "Nous avons fait un petit roulé avec de la crème au beurre", qu’ils ont appelé Budapest. Plus tard, dams les années 60, Stridh l’a adapté "à plus grande échelle, avec de la crème fouettée".
Une recette originale, qui a fait sa réputation et en a fait un classique de la pâtisserie suédoise.
Le succès fut immédiat… Avec sa texture légère (grâce à une meringue aux noisettes à la place d’une génoise classique), sa crème fouettée généreuse et ses fruits acidulés, le gâteau coche toutes les cases du plaisir suédois. Depuis, il s’est imposé dans les cafés et pâtisseries de tout le pays, et chaque famille suédoise en a déjà dégusté au moins une part lors d’un fika, d’un anniversaire ou d’un brunch dominical.
Avec sa meringue croustillante à l’extérieur, moelleuse à l’intérieur, et sa crème aérienne garnie de fruits, le Budapest est l’équilibre parfait entre douceur, texture et fraîcheur. Il est souvent servi en portions individuelles (bakelse) mais peut aussi exister en format plus grand (Budapesttårta) pour les grandes occasions.
https://www.arla.se/recept/budapesttarta/
Près de cinquante ans après sa supposée création, le gâteau roulé Budapest reste un classique des pâtisseries suédoises dignes de ce nom. Il est tout particulièrement populaire à Vetlanda, ville natale de Strid. Lorsque la commune a célébré le cap des 27 000 habitants, elle l’a fait avec... 27 mètres de gâteau Budapest !
Le dessert a même sa propre journée dédiée, le 1er mai,
Mais pourquoi un tel succès ? Eh bien, pour commencer, c’est tout simplement délicieux. Meringue aux noisettes et crème fouettée, c’est une combinaison presque imbattable. En plus, l’utilisation de fruits en conserve collait parfaitement à l’époque. Dans les années 60, de plus en plus de femmes entraient dans la vie active, et il devenait essentiel de pouvoir préparer des desserts rapidement. Ouvrir une boîte de salade de fruits ou de pêches au sirop ne prenait que quelques secondes. Peut-être la maîtresse de maison avait-elle même un peu de crème non fouettée à table, que chacun versait lui-même sur sa part.
Le célèbre Vår kokbok ("Notre livre de cuisine", 1962) affirmait d’ailleurs que "les fruits — surtout les agrumes — et les baies, ainsi que leurs conserves, jouent un rôle important dans l’alimentation".
Les fruits en conserve étaient considérés comme festifs. Même si l’offre en fruits exotiques commençait à s’élargir dans les magasins, elle n’avait rien à voir avec celle que nous connaissons aujourd’hui.
Des variantes modernes et gourmandes
Si la version classique est celle aux mandarines, les pâtissiers suédois aiment revisiter la recette avec d’autres fruits : framboises fraîches, myrtilles, fraises ou même mangue selon la saison. Certains ajoutent une touche de chocolat ou de café dans la meringue, d’autres parfument la crème avec de la vanille ou du citron.
On peut aussi trouver des versions végétaliennes, sans lactose ou sans gluten, preuve que le Budapest évolue avec son temps tout en restant fidèle à son charme originel. C’est un gâteau qu’on peut aussi assez facilement décliner dans un verre pour un dessert plus raffiné car comme beaucoup de gâteaux suédois, la présentation est souvent assez rustique. Les suédois aiment ce côté “fait maison” et pour ce gâteau, il sont prêts à toutes les expérimentations pour le revisiter et lui redonner de la visibilité !
C’est souvent le sort des grandes réussites, on finit par s’y habituer et ne plus les valoriser mais les suédois n’ont jamais dit leur dernier mot en la matière et tous les ans, le 1er mai, le jour du budapestbakelse, on découvre une nouvelle recette.
Malgré son nom trompeur, le Budapestbakelse est devenu une véritable icône de la pâtisserie suédoise. Né dans les années 50, il a su traverser les décennies sans prendre une ride, grâce à son alliance parfaite de légèreté, de douceur et d’acidité. Revisité, célébré, adapté à tous les goûts et à toutes les saisons, ce roulé meringué incarne l’esprit du fika : simple, convivial et toujours délicieux. Que ce soit en portion individuelle ou en version gâteau d’anniversaire, le Budapest continue de séduire les gourmands. Et chaque 1er mai, il nous rappelle qu’un bon classique peut toujours se réinventer.