August Strindberg, le grand dramaturge suédois

Isabelle
03.11.2024

Plus d’un siècle après sa mort en 1912, ce dramaturge suédois aux talents multiples continue d’influencer de nombreux créateurs suédois. Le réalisateur suédois, Ingmar Bergman évoquait fréquemment dans ses interviews, le lien indéfectible qui l’unissait à ce maître du théâtre suédois et aujourd’hui encore, d’autres artistes, tels que le dramaturge Lars Norén et plus récemment le dessinateur Knut Larsson, expriment également leur profond attachement à ce père spirituel qui a révolutionné l’histoire de la littérature et du théâtre suédois modernes…

Un homme complexe et tourmenté

Né en janvier 1849 dans le quartier de Riddarholmen à Stockholm, Johan August Strindberg est un enfant timide et maladroit, mais il révèle rapidement une intelligence vive et exigeante, accompagnée d'une sensibilité intense qui le fait osciller entre la rêverie et une exaltation romantique. Sa vie est fortement marquée par la perte prématurée de sa mère adorée, ainsi que par le remariage rapide de son père, avec qui il entretient des relations conflictuelles et pour lequel il développe un profond mépris.
il portera tout au long de sa vie le poids de cette enfance douloureuse et complexe.
Dès son jeune âge, il devient sujet à des accès de religiosité incontrôlés qui le conduisent à de graves crises existentielles et à de profondes dépressions, parfois même à des maladies psychiatriques.
Sa vie sentimentale est tout aussi tumultueuse : marié trois fois et divorcé trois fois, celui qui ne « pouvait aimer qu’en blessant » transforme sa vie conjugale en un véritable enfer, mais parvient tout de même à puiser une inspiration intense de cette souffrance, alimentant ainsi une misogynie destructrice.

August Strindberg 1849-1912

Rongé par de puissantes névroses et sous l’emprise de l’absinthe, il meurt seul, malade et sans ressources dans son appartement de Stockholm, laissant derrière lui une œuvre marquée par ses tourments intérieurs. Il est enterré au cimetière Nord de Stockholm en 1912.

Une œuvre riche et une démarche artistique transversale

Malgré une vie personnelle parsemée d'obstacles, Strindberg se révèle très rapidement être un artiste prolifique et multidisciplinaire. En tant que pionnier de l'expressionnisme européen moderne, il publie, entre 1879 et 1912, un grand nombre de pièces de théâtre, de recueils de nouvelles, ainsi que plusieurs essais et romans qui connaissent un véritable succès auprès du public.
Parmi ses œuvres théâtrales les plus emblématiques, on peut citer Fadern (Père), publié en 1887, qui explore le conflit d’un couple jusqu’à la folie à propos de l'éducation de leur fille, Bertha. Une autre pièce majeure est Fröken Julie (Mademoiselle Julie), parue un an plus tard, en 1888, et interprétée pour la première fois à Copenhague par la première épouse de Strindberg, Siri Von Essen, une actrice de renom. Cette œuvre a depuis été jouée à maintes reprises dans le monde entier, et le rôle principal a séduit de nombreuses grandes actrices, telles qu’Isabelle Adjani, Fanny Ardant, Julia Roberts, Liv Ullmann, et Juliette Binoche.

Source le Figaro, Festival d’Avignon 2011

Mentionnons également Dödsdansen (La Danse de mort) et Drömspel (Le Songe), tous deux publiés en 1901, qui explorent les tourments de la vie conjugale à travers le prisme de l'expressionnisme. On peut aussi évoquer Pelikan (Le Pélican), l’une des dernières pièces de Strindberg, publiée en 1907.
En plus de son œuvre théâtrale, Strindberg a écrit de nombreux romans et essais. Son roman le plus célèbre est sans conteste Röda rummet (La Chambre rouge), qui a connu un immense succès et lui a valu d'être comparé à son confrère norvégien Ibsen, avec qui il a entretenu une correspondance tumultueuse tout au long de sa vie. Un autre roman marquant, Hemsöboarna (Les Gens de Hemsö), publié en 1887, illustre la vie d'un paysan, Carlsson, qui cherche à s'intégrer dans une communauté de pêcheurs peu accueillante. Dans cette comédie, Strindberg dépeint une galerie de personnages caricaturaux mais attachants.
Enfin, il est important de mentionner Inferno, publié en 1897, un récit autobiographique qui met en lumière les troubles mentaux de l'artiste, ainsi que ses crises d'angoisse et ses délires paranoïaques. Déçu par le monde littéraire, Strindberg s'est même consacré pendant plusieurs années à des recherches et des expériences en chimie.

Le hollandais volant, Dalarö, 1892

Strindberg se révélera également tout au long de sa vie comme un talentueux photographe et peintre, produisant des œuvres d'une grande puissance expressive, telles que celle présentée ci-dessus.
Artiste d'exception aux multiples facettes, il sera considéré comme un explorateur des ténèbres à travers sa peinture. Cette forme d'art lui offrira un moyen d'exprimer ce qu'il ne pouvait plus transmettre par les mots. Ainsi, son œuvre littéraire et son travail pictural s'enrichissent mutuellement, permettant de mieux appréhender la personnalité complexe de cet artiste unique qui continue de captiver.