Le métro de Stockholm… tout un art !

Lydie
25.03.2025

SL, la compagnie des transports publics de Stockholm, gère actuellement un ample réseau de métro (3 lignes réparties en 7 branches) qui totalise 110 kms de longueur, et compte près de 100 stations.
Qu'elles soient souterraines ou en surface, presque toutes les stations de ce réseau (90 sur 100) sont décorées : certaines, abritent seulement des œuvres d’art et peuvent facilement passer sous les radars des usagers tandis que d’autres, intégralement conceptuelles, impressionnent et frappent l’imagination des passagers.
Pour le prix d'un seul billet, vous avez donc la possibilité d’effectuer un voyage spatio-temporel, entouré de beauté, d'art et d'histoire.

Mais comment tout cela a-t-il commencé ?

Dans les années 1930, la capitale suédoise ne possédait qu'un simple réseau de tramway. Très rapidement et tandis que la ville ne cessait de se développer, le nombre croissant d’habitants (qui atteint près de 750 000 en 1950) a nécessité la mise en place d’une solution de transport plus moderne et efficace.
Cependant, au pays d’Alfred Nobel et de l’invention de la dynamite, il a fallu composer avec un sous-sol principalement constitué de granit, une roche très dure qui compliquait sévèrement la tâche. Si l’on ajoute à cela l'eau (lac et mer) omniprésente en Suède et à Stockholm, l’opération fut une tâche longue et semée d’embûches.

Ce n'est donc qu'au début des années 1950 que les premières stations de métro ont pu voir le jour, établissant un petit tronçon de l’actuelle ligne verte (entre Slussen et Hökarängen)

La beauté pour tous – l'art accessible !

Depuis la fin des années 1890, de nombreuses théories et réflexions concernant l'art et les beaux objets commençaient à circuler : des penseurs en vogue prônaient l’idée d’une beauté plus accessible et non plus seulement réservée à une élite culturelle.
Mais pour que cela devienne une réalité, cette idée devait être portée par une nouvelle idéologie politique : le Folkhemmet ou « La Maison du Peuple », tous deux initiés par le Parti Social-Démocrate Suédois.

Grâce à sa neutralité pendant la Seconde Guerre mondiale, la Suède disposait enfin de suffisamment d'argent pour développer pleinement cette idée. En parallèle d’une meilleure sécurité sociale et d'un état providence, une nouvelle règle fut donc mise en place « 1 % pour l'Art », signifiant que chaque projet de construction devrait investir au moins 1 % de son budget total dans l'art, qui ainsi pourrait progressivement devenir accessible à tous.

Modernt badrum på 1960-talet. Foto: Nordiska museets arkiv

Au fil des ans, plus de 250 artistes ont été commissionnés pour contribuer aux œuvres des stations de métro. Et comme cette règle des 1 % perdure, et que Stockholm continue de croître, deux nouvelles lignes de métro sont effectivement en cours de développement, nous pourrons profiter de stations encore plus belles dans les années à venir. Cet afflux continu de nouvelles idées et idéaux, qui accompagne chaque génération d'artistes, fait partie de ce qui rend le métro de Stockholm si unique.

Alors suivez-nous dans ce beau voyage !

TOP 10 : nos stations préférées à découvrir

1. KUNGSTRÄDGÅRDEN – actuellement terminus de la ligne bleue

Celle-ci n'a presque pas besoin d'introduction, car elle est probablement la plus photographiée et partagée sur diverses plateformes de médias sociaux.
L’aspect ludique et les couleurs vives de la station cachent de nombreux indices et éléments du passé, et tous, à leur manière, racontent une histoire.

Ulrik Samuelson est l'artiste principal qui a supervisé les autres contributions artistiques et sa station originelle inaugurée en 1977 fut complétée dans les années 86-87 par d’autres œuvres représentatives des tendances artistiques des années 80 mais qui s’harmonisent parfaitement avec la station initiale.

Les couleurs dominantes (le rouge, le blanc et le vert) déclinées sur l’ensemble de la station font référence au jardin baroque français qui se trouvait autrefois en surface.La plupart des sculptures, frontons, corniches sont des copies de ce qui décorait jadis le palais Makalös qui trônait dans le jardin baroque et qui a été détruit en 1825.

C'est enfin la seule station où la roche granitique est nue, brute et non peinte, ce qui contribue encore plus à son originalité. L'artiste voulait que la station évolue d'elle-même, développant sa propre histoire.
Et on peut dire que cela a fonctionné ! La végétation commence à recouvrir certains murs développant aussi une atmosphère olfactive singulière, des scientifiques y ont même trouvé un nouveau type de champignon, et c’est aussi le seul endroit en Suède où l’on peut trouver une petite araignée blanche (appelée araignée de cave ou Tegenaria domestica) qui vit habituellement les mines sombres.

2. STADION – ligne rouge

C’est l’une des toutes premières stations de type grotte : une architecture ou un design qui fait généralement référence à des espaces ou des structures qui imitent l'apparence ou l'atmosphère d'une grotte naturelle. Cela peut inclure des formes irrégulières, des textures de roche, des éléments qui créent une ambiance souterraine, humide, ou mystérieuse. Dans le contexte des stations de métro à Stockholm, cela se traduit par des murs et des plafonds irréguliers, souvent sculptés pour ressembler à des formations rocheuses naturelles, ainsi que des jeux de lumière qui renforcent cet effet de "grotte".

Cette forme qui n’était pas encore développée pour les premières stations de métro inaugurées dans les années 50 et 60 deviendra la norme après 1972.

Ici, Enno Hallek et Åke Pallrap ont essayé de capturer le ciel et ses merveilles : un magnifique arc-en-ciel souterrain vous attend, ouvrant la porte à plusieurs interprétations mais n’est-ce pas là le principe même de l’art.On y compte aussi nombreuses références sportives en raison de la proximité du stade situé en surface juste au-dessus.

L’affiche originale des jeux olympiques de 1912 est visible tout près des escalators de l’une des deux sorties : la seule et unique fois où la ville de Stockholm a accueilli les jeux est ainsi souterrainement sacralisée. D’autres détails et références au sport parsèment la station mais la présence en surface du conservatoire de musique a elle aussi donné lieu à quelques détails artistiques de la station. C’est une station colorée très photogénique.

3. T-CENTRALEN – à l’intersection des 3 lignes de métro

C’est sans aucun doute la station la plus fréquentée et la plus effervescente de la ville, avec 4 niveaux de tunnels souterrains : ici se croisent les 3 lignes de métro, et depuis 2017, les trains de banlieue arrivent et partent d’un 4ème niveau, situé à 40 mètres sous terre.Les 2 étages supérieurs (ligne verte et ligne rouge) en revanche ont été les deux premiers à ouvrir dans les années 50 et résultent d’un compromis entre une volonté de mettre en avant l’art et la nécessité de préserver des espaces pour la publicité alors en plein essor.

Dans cette station, un étage est réservé à la publicité et un autre intégralement dédié aux œuvres artistiques.

Les œuvres d’art de 16 artistes différents ont été sélectionnées pour être exposées sur les quais et les murs, des oeuvres représentatives des tendances artistiques des années 50-60 qui font la part belle à des matériaux comme la céramique, les prismes de verre et la pierre taillée.

Moins spectaculaire que les stations de type grotte, T centralen est néanmoins la toute première station créée en 1957 avec une installation artistique permanente.

En 1975, lorsque la troisième ligne de métro (la ligne bleue) a été ajoutée et construite en dessous des deux autres, Per Olof Ultvedt (seul responsable du nouveau tronçon) a choisi la couleur bleue apaisante pour cette station de correspondance la plus fréquentée de la ville et a voulu rendre hommage à tous les travailleurs ayant joué un rôle dans la construction du réseau de métro.

Ainsi, au bout du couloir menant à la ligne bleue, vous pourrez voir les silhouettes des corps de métier impliqués dans la construction de cette nouvelle ligne de métro peintes sur les murs et le plafond : avec leurs outils et dans des positions spécifiques liés à leurs métiers respectifs.

4. FRIDHEMSPLAN – ligne verte et ligne bleue

Sur les quais de la station côté ligne bleue créée en 1975, l'artiste Ingegerd Möller s'est inspirée de la mer, de l'archipel et de l'impact humain sur l'environnement maritime pour créer une œuvre originale et assez percutante : les murs de couleur grise avec des reflets de vert et de brun pour redonner à la station un aspect de roche brute, la présence d'un bateau de pêche grandeur nature à une extrémité du quai et d’une boussole, d’une ancre rappellent le thème conducteur tandis que d’autres vitrines disséminées dans la station racontent les dégâts progressifs de l’être humain sur l’environnement et sur la mer particulièrement.

Les quais de la ligne verte accueillent eux l'œuvre d'un artiste différent chaque année. Cette année et jusqu'en octobre 2025, vous pourrez ainsi admirer « Racines » de Britta Marakatt-Labba, une artiste suédoise sâme célèbres pour ses représentations narratives multi-supports (textile,aquarelle, lithographie etc..) utilisant des motifs de la culture et de la mythologie sâmes.

Toujours sur la ligne verte mais cette fois à l'entrée située sur Fleminggatan, on trouve également une œuvre originale et très attachante d’un artiste portugais, Dimas Macedo : un mur long de 25 mètres décoré en céramique azulejos, une céramique traditionnelle d’origine portugaise qui rend hommage à l’amour fervent des suédois pour la nature, une statue en terre cuite réalisé par le même artiste rend aussi hommage à Carl Von Linné, le célèbre botaniste suédois.
Stockholm fut retenue en 1997, avec 19 autres villes dans le monde pour accueillir cette œuvre en azulejos, une manière pour le Portugal de promouvoir dans le monde entier cette céramique traditionnelle.

5. ÖSTERMALMSTORG – ligne rouge

C’est une station typique de la deuxième période de développement du métro, les années 60. Au lieu de sélectionner plusieurs œuvres pour composer la décoration de la station, une carte blanche a été donnée à un(e) seul(e) artiste qui a eu la possibilité de s’exprimer sur l’ensemble des quais.Dans cette station où vous pouvez découvrir la vision artistique d’une grande artiste suédoise, Siri Derkert, âgée de 77 ans à l’époque de la construction.

Utilisant la technique du ”béton gravé”, déjà utilisée par Picasso, elle a développé ses thématiques de prédilection (la musique, la paix, la nature et le féminisme) et dessiné sur les murs en béton avec une lance à haute pression. Une œuvre et un univers à part entière auxquels les voyageurs ne prêtent pas toujours attention mais qui, pour peu qu’on s’y attarde, révèle les préoccupations intellectuelles majeures des artistes suédois dans les années 60.

6. UNIVERSITETET – ligne rouge

La station actuelle n’a plus rien à voir avec la station originelle de l’université créé en 1975 par l’artiste suédois Pär Andersson, les murs-grottes étaient alors décorés de motifs inspirés par la nature ….
A la fin des années 90 et à la suite de l’expansion du campus universitaire et des dommages causés par l’eau sur les décorations précédentes, il a été décidé de recréer la station et le projet a été confié à l’artiste-architecte belge, Françoise Schein qui avait déjà auparavant déjà travaillé pour les métros de São Paulo, Paris, Bruxelles, Berlin et Lisbonne et souhaitait intégrer Stockholm à son projet global sur les droits de l’homme.



De petits carreaux blancs en céramique avec chacun une lettre de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, et les 30 articles que comptent cette déclaration couvrent intégralement les murs de la station.Le texte est écrit en suédois, sans ponctuation ni espace entre les mots, ce qui le rend difficile à lire. C’était une volonté assumée de Françoise Schein, qui voulait mettre en avant la nécessité de l´effort pour comprendre et respecter ces droits.

Sur les quais voyageurs, d’autres inscriptions ont été appliquées sur des carreaux en céramique Azuleros, un peu plus grands et on y raconte l’histoire des voyages de Carl von Linné ainsi que son travail sur l’encyclopédie de la nature.

7. SOLNA CENTRUM – ligne bleue

Encore une station de type grotte très colorée mais avec aussi cette fois une bonne dose d’humour : Karl-Olov Björkman et Anders Åberg évoquent sur ces murs la société suédoise de 1975 et tous les changements auxquels elle a dû faire face.
Les deux couleurs principales des murs le rouge et le vert (comme un crépuscule éternel au-dessus de la nature verdoyante suédoise) sont parsemés de petites saynettes représentant la vie quotidienne de Solna, des saynettes peintes sur les murs ou des maquettes dans des vitrines qui mettent en scène le passé rural de Solna et la modernisation du quartier progressivement intégré à l’espace urbain.

On y trouve, entre autres, un élan grandeur nature qui observe un chasseur à son insu, une femme qui ramasse des baies entourées de déchets, des petites maisons suédoises construites tout près de la Maison Blanche, pour symboliser une forme de pouvoir oppressant de la ville sur la nature.

8. THORILDPLAN – ligne verte

Inaugurée en 1952, avant que l’art n’infuse l’univers du métro, cette station aérienne n’a conservé qu'une seule œuvre originelle : un immense soleil situé à l'extrémité du quai voyageurs.
Dans les années 2000, elle a fait l’objet d’une recréation dirigée par Lars Arrhenius, un artiste et designer suédois réputé pour ses styles visuels distincts, souvent caractérisés par des motifs géométriques, des éléments visuels simplifiés et des représentations originales de la réalité.

Son œuvre intitulée « Playtime » explore de manière ludique et nostalgique la culture des jeux vidéos des années 70 et 80. Sur les murs en céramique italienne bleutée, sont représentés différents symboles des célèbres jeux Super Mario Bros, Pac-Man et Space Invaders qui mettent en avant l’apparation du pixel dans nos images.

9. HÖTORGET – ligne verte

Typique de la fin des années 50, cette station faisait partie du premier tronçon de la ligne verte investi par l’art : ici le granit est soigneusement caché car il était à cette époque considéré comme préhistorique et aux antipodes de l’effet de modernité recherchée pour ressembler aux nouveaux métros qui se construisaient un peu partout à cette époque dans le monde.



New York servit clairement d’'inspiration pour cette station. Des carreaux bleu pâle et des installations lumineuses au néon (103 tubes brillants de différentes teintes) accueillent les voyageurs pour une expérience rétro garantie.

La station est actuellement en cours de rénovation, mais tout est mis en œuvre pour préserver les nuances typiques de cette époque particulière.

10. TEKNISKA HÖGSKOLAN – ligne rouge

Inaugurée en 1973, cette station de style grotte, a été confiée à Lennart Mörk, alors principal scénographe du Théâtre Royal Dramatique et de l'Opéra Royal. La décoration y est très dramatique avec un fond assez sombre qui s’inspire globalement des 4 éléments : La terre, l’eau, l’air et le feu.

Une fois ici encore, la proximité de l’Institut Royal de Technologie (KTH) située juste au-dessus, en surface, a aussi inspiré les sculptures et les installations qui toutes symbolisent des découvertes scientifiques, la physique et les lois de la nature par Isaac Newton, Léonard de Vinci, Copernic, Einstein, Kepler et Platon.

BONUS : STOCKHOLM CITY ET ODENPLAN – Les deux terminaux de correspondance des trains de banlieue (pendeltåg)

En 2017, le mouvement de décoration des stations de métro a contaminé les terminaux de trains de banlieue dont les départs ont été déplacés de la gare centrale vers un espace dédié situé juste en dessous des actuelles lignes de métro. Deux nouvelles stations de correspondance ont été ainsi créées : Stockholm City située sous les lignes de métro à T Centralen et Odenplan, en lieu et place de l’ancienne station de métro éponyme.

La construction de ces deux grands terminaux de correspondances a donné lieu à un appel d’offre auquel de nombreux artistes contemporains ont répondu en proposant des projets dans des formes artistiques inédites : montage photos sous-verre soufflé avec effets d’optique, création vidéo, installations lumineuses, etc.. offrant un panorama diversifié de la création artistique contemporaine.

Ces deux stations décorées avec de l’art contemporain multi-support ont permis à de nombreux artistes de créer des œuvres fédérées autour de thèmes prédéfinis à l’avance et affectés à certaines plateformes des centraux : les arbres, la ville, etc…

 

Les œuvres découlant de ces émulations sont visibles pour tous les passagers empruntant ce réseau mais aussi des touristes curieux de découvrir